L'objet du désir et le désir de l'objet.

Publié le par Fraid

Voici l’extrait du média kit des publications « LUI » et « PLAYBOY ». Il s’agit d’une photographie que j’ai prise de la page 57 du dossier 2005 des Casseurs de Pub.
 
Un média kit est un recueil d’informations et de statistiques que la publication (ici « LUI » et « PLAYBOY ») envoie aux agences de publicité (ex. AUSTRALIE, PUBLICIS, LEO BURNETT, etc.) afin de leur vendre de l’espace publicitaire (une page en noir et blanc, en couleur, moitié de page, etc.). Par exemple pour ces revues, une agence de publicité va créer une annonce pour une agence de call girls, et va ensuite choisir la publication appropriée (« LUI », « PLAYBOY », les 2 ?) en fonction des caractéristiques de son audience.
 
Il s’agit en général d’informations quantitatives sur la performance d’audience réalisée par la publication (nombre de lecteurs, nombre de lectures, taux de circulation moyenne (un ami fait circuler la revue à ses amis), temps passé par page et rubrique, etc.), puis des informations qualitatives sur l’audience elle-même : revenus du lecteur, son style de vie, ses habitudes de consommation, ses loisirs, son régime matrimonial, la couleur de son slip, etc.
 
Voici donc l’extrait suivant qui décrit la ligne éditoriale de « LUI » et « PLAYBOY », en quelque sorte la philosophie du magazine et l’esprit global qui en guide la rédaction. Ce document a été réellement été envoyé aux agences pour vendre la revue.
 
 
 
Donc, vous feuilletez la revue, vous voyez des femmes physiquement splendides, physiquement inaccessibles (à moins de manger du papier glacé ??), et vous êtes frustrés. Frustrés par le désir inassouvi de l’objet, de la Femme, qui constitue le noyau éditorial du magazine.
 
Mais à moins d’être masochiste, il est naturel de vouloir se défaire de sa frustration en cherchant à obtenir l’objet de frustration, l’objet de désir. Et là, vous tombez sur une page de publicité ou effectivement vous pouvez « acheter » une femme par le biais du téléphone rose (pas un numéro vert !).
 
Facile à comprendre (approuver, c’est autre chose). Vous me direz que prendre pour exemple des revues porno, avec la femme comme objet, c'est un peu facile. C'est vrai, c'est voulu, après je parle de Marie Claire Maison (!).
 
Alors :
 
Première chose : la femme est devenue une marchandise, ça c’est nouveau pour personne. Elle constitue même à mes yeux l’objet de consommation suprême (regrettable). Objet de consommation, parce qu’elle se laisse parfois acheter volontairement, et qu’en plus elle va très bien avec une belle voiture, un beau manteau de fourrure, une belle bague. Suprême, parce que dans certains cas ce serait elle, la femme, que tous les autres objets de consommation (costume, voiture, appartement, montre, etc.) viseraient à acheter à leur tour (à consommer ?? Ne soyons pas vulgaires). Je m’égare, les relations hommes/publicités/femmes feront l’objet d’un article passionnant, promis !!
 
Deuxième chose, revenons à nos moutons : il faut bien comprendre les causes et les effets dans cette histoire de contenu éditorial/littéraire et d’espace publicitaire. « LUI » et « PLAYBOY », comme tout magazine, vivent avant tout de la publicité qu’ils vendent à leurs clients annonceurs. Donc quand une publication rédige ses articles, choisit ses photos, c’est bien sûr pour conquérir ses lecteurs, se forger une audience et vendre, mais c’est aussi bien sûr et surtout pour fournir à leurs clients annonceurs (les boites de cal girls) un contexte, un environnement favorable à leur publicité.
 
Vous avez du mal à croire que la priorité d’un média ne soit pas forcément son contenu informatif, mais bien la publicité ?? Regardez la photo suivante du Figaro du vendredi 30 septembre 2005. Ce jour là, le FIGARO changeait de formule (des colonnes en moins, un format plus petit, plusieurs « Une », etc). EDF souhaite alors un « bon vent à la nouvelle fromule du Figaro »… Les éoliennes balayent le texte !! Alors qu'il s'agit du premier numéro d'une nouvelle formule... ahurissant.
 
 bon vent à la nouvelle formule du figaro
 
Un autre exemple : Marie Claire Maison (décoration) sera rempli de publicités pour CEREZO, ROCHE BOBOIS, BACCARAT, IKEA, etc. Par contre, et c’est là le problème, c’est que vous ne trouverez jamais d’articles sur les 25 hectares de forêts qui disparaissent à la minute au Brésil pour alimenter la filière du bois, même si cela peut intéresser une partie des lecteurs de Marie Claire Maison. Les magazines illustrés finissent par devenir eux-mêmes des guides de consommation, c'est-à-dire un ensemble d’article mettant plus ou moins en scène les produits et services ventés plus loin dans les pages publicitaires.
 
Les magazines sont conçus dans la finalité de rendre les publicités plus efficaces. Soit… Allons maintenant plus loin.
 
A défaut de vouloir plaire en premier lieu aux annonceurs potentiels, une publication cherchera bien entendu à ne pas leur déplaire. Imaginez que LE FIGARO publie un article sur l’enfouissement des déchets nucléaires. Un article qui trouverait bien sûr ses lecteurs dans le cadre de la privatisation d’EDF. Est-ce que vous croyez alors que EDF souhaiterait un bon vent au FIGARO ??
 
Que nenni, EDF rayerait tout simplement LE FIGARO de la liste des publications dans laquelle elle fera désormais sa pub. Voilà comment s’opère une censure économique de la presse : les sujets qui font désordre sont font l’objet de pressions et passent à la trappe.
 
J’arrête là avant de m’énerver, vous comprenez les implications de tout cela.
 
Et puis aussi : VIVENT LES MEDIAS LIBRES !! Elle est belle, notre liberté de la presse. Nous montrons du doigt certains pays où la censure est politique (les articles qui ne sont pas dans la ligne du gouvernement en place sont virés, journalistes avec), chez nous elle est économique. Les deux censures sont aussi efficaces et redoutables.
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